Chroniques

par laurent bergnach

Giuseppe Verdi
Un ballo in maschera | Un bal masqué

1 DVD Arthaus Musik (2011)
107 271
Un ballo in maschera, opéra de Verdi

Frappé d’une balle dans le dos un soir de fête, le monarque éclairé Gustave III meurt le 16 mars 1792, dans les murs de cet Opéra de Stockholm qu’il a fait construire jadis. Quarante ans après le drame, entre Fra Diavolo (1830) et Le domino noir (1837), Daniel-François Auber s’en inspire et compose Gustave III ou Le bal masqué, sur un livret du fidèle Eugène Scribe. L’œuvre a un succès considérable puisque dans les deux décennies à suivre sa création parisienne (le 27 février 1833) l’on compte près de cent soixante-dix représentations.

Hélas pour Verdi : sorti du moyenâgeux Aroldo (1857), sa propre vision de l’événement s’avère bien plus chaotique. Alors que le musicien s’appuie sur le livret d’Antonio Somma, calqué sur celui de Scribe, afin de livrer trois actes au Teatro San Carlo de Naples pour la période du carnaval, voici que les répétitions sont perturbées par la mort de Napoléon III, lors d’un attentat incriminant un révolutionnaire italien, le 14 janvier 1858. Tandis que le peuple s’enflamme pour une Italie unifiée, l’ouvrage est soumis à des aménagements d’importance imposés par la censure ; dès lors, le roi laisse place à un gouverneur britannique occis dans la lointaine Boston. Cette version est créée au Teatro Apollo de Rome, le 17 février 1859.

Filmée par la télévision autrichienne au Salzburger Festspiele en 1990, cette production fastueuse, pleine d’atouts – mise en scène aussi soignée que conventionnelle du cinéaste John Schlesinger, costumes raffinés conçus par Luciana Arrighi et décors impressionnants de réalisme signés William Dudley –, retrouve le chemin du Nord de l’Europe, selon la volonté d’Herbert von Karajan, alors directeur artistique du festival depuis plus de trente ans.

Décédé le 16 juillet 1989, à la veille de représentations données en ouverture de festival, Karajan laisse place à Georg Solti qui accepte le défi d’une seule semaine de répétitions. Reprenant la baguette l’été suivant, l’ancien assistant de Toscanni – dans ces lieux mêmes, un demi-siècle plus tôt – mérite nombre d’éloges pour sa direction limpide et tendre des Wiener Philharmoniker et du Konzertvereinigung Staatsopernchor, d’une vivacité toujours délicate.

La distribution appelle aussi des compliments, ne serait-ce que Plácido Domingo en souverain à l’émission évidente et sûre, au timbre éclatant, et Josephine Barstow (Amelia) au chant bien mené et vaillant, qui livre un « Morrò, ma prima in grazia » des plus réussis. Pour sa part, Leo Nucci brille dans « Eri tu che macchiavi quell’anima », pour lequel la voix gagne en stabilité et souplesse. Florence Quivar (Ulrica) compose un personnage calme et nuancé, loin du Grand Guignol, que magnifie ampleur et velours vocaux. Clarté et virtuosité caractérisent les interventions de Sumi Jo (Oscar) tandis que Jean-Luc Chaignaud (Cristiano) séduit en alliant santé et onctuosité. En comploteurs efficaces, Kurt Rydl (Horn) et Goran Simic (Ribbing) se distinguent également.

LB